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Entre science, souveraineté et solutions

Kinshasa, 13 juin 2025: C’est une page inédite de la gouvernance environnementale qui s’est écrite à Kinshasa. Pendant quatre jours, la capitale congolaise a été le théâtre d’un rendez-vous déterminant : le deuxième Forum du Bassin du Congo.

Un événement d’envergure continentale, où chercheurs, politiques, inventeurs et activistes ont confronté savoirs et visions pour bâtir ensemble une gestion durable et souveraine des ressources hydriques d’un bassin aussi vital que vulnérable.

Un rendez-vous avec l’histoire scientifique de l’Afrique

Placée sous le thème « Libérer le potentiel des services des ressources en eau », cette édition 2025 s’est imposée comme un tournant. Le Forum a réuni un large panel d’acteurs: des universitaires chevronnés, des start-up d’innovation écologique, des représentants gouvernementaux et des organisations régionales. Tous animés par un même impératif : penser autrement la gestion de l’eau, dans un contexte marqué par l’urgence climatique, les tensions socio-environnementales, et les défis géopolitiques.

Dans son discours de clôture, le Secrétaire Général à la Recherche Scientifique, Odon Ndambu, représentant le Ministre de RSIT a résumé l’esprit de cette rencontre :

« Nous avons assisté à l’émergence d’un nouveau paradigme : celui d’une science citoyenne et souveraine. »

Trois défis majeurs au cœur des débats

Les échanges ont permis de faire émerger trois grandes problématiques, révélatrices de la complexité du terrain.

  • Un cadre juridique à renforcer
    Le Professeur Nzovu Luvuji a mis en évidence l’absence d’harmonisation juridique entre les pays riverains du Bassin. Il appelle à un renforcement institutionnel de la Commission du Bassin, qui pourrait devenir une véritable autorité de régulation, appuyée par des outils de télédétection et de gouvernance numérique.
  • Les tensions induites par les migrations climatiques
    À travers l’exemple des Mbororo, le Professeur Bernard Lututala a montré comment l’eau, au lieu d’unir, peut devenir un facteur de division. Face à ces dynamiques migratoires exacerbées par le changement climatique, il plaide pour une révision en profondeur des politiques frontalières et migratoires en Afrique centrale.

  • L’autonomie financière, nerf de la recherche
    Avec un ton frontal, le Professeur Emile Bongeli a dénoncé la dépendance chronique des systèmes de recherche africains à l’égard des bailleurs internationaux :

« Comment prétendre maîtriser notre destin quand nos recherches dépendent d’autrui ? »

Des solutions locales, des espoirs globaux

L’Incubateur du Génie Scientifique Congolais (IGSC) n’est pas venu les mains vides. Parmi les innovations présentées, certaines ont retenu l’attention des décideurs :

  • Le compteur d’eau intelligent, adapté aux réalités locales
  • L’application Kasai-Monitor, pour le suivi communautaire des eaux de surface
  • Les stations de contrôle environnemental, développées avec des matériaux locaux
  • Une mini-centrale hydroélectrique modulaire, pensée pour les zones rurales isolées

Des technologies made in Congo, pensées par des talents locaux, et qui traduisent la volonté d’ancrer l’innovation dans les besoins réels des territoires.

Une gouvernance à redessiner, ensemble

Le Professeur Michel Bisa, spécialiste de la géopolitique de l’eau, a rappelé une évidence souvent négligée :

« L’eau ignore les frontières. Sa gestion doit transcender les divisions administratives et politiques. »

C’est dans cette optique qu’un ensemble de recommandations stratégiques a été rédigé, en vue d’une adoption par les gouvernements des pays riverains. Ces recommandations visent une gouvernance concertée, résiliente et fondée sur les données scientifiques et les innovations technologiques.

L’État congolais s’engage

Par la voix de son représentant, le Ministre de la Recherche Scientifique et Innovation Technologique, Dr. Gilbert Kabanda, a affirmé la détermination du gouvernement à :

  • Transformer les résolutions du Forum en politiques publiques concrètes
  • Renforcer les synergies régionales en matière de recherche et d’eau
  • Accroître le financement local de l’innovation et de la recherche scientifique

Une vision, maintenant à traduire en action

La conclusion du Forum revient au Professeur Tshimanga Muamba Raphael, pilote du Centre de Recherche en Ressources en Eau du Bassin du Congo :

« Ce que nous avons semé ici, ce sont des orientations claires. Il nous revient à tous de transformer ces idées en actions tangibles, visibles et bénéfiques pour nos populations. »

Bref, Kinshasa n’a pas simplement accueilli un Forum. Elle a lancé un signal fort : celui d’une Afrique centrale qui choisit de penser l’eau autrement, en conjuguant science, souveraineté et solidarité.

Le rendez-vous est pris pour la prochaine étape : la mise en œuvre.

Par la Rédaction | IGSC-MRSIT

Alphonse Muluba et Pierre Bamwenga

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