
Troisième journée du Forum du Bassin du Congo
Kinshasa, 12 juin 2025 : L’eau, cette ressource si précieuse mais trop souvent négligée, a de nouveau occupé le devant de la scène scientifique et politique lors de la troisième journée du Forum du Bassin du Congo.
Une journée axée sur un enjeu technologique majeur : la surveillance des ressources en eau par télédétection. Ce volet, hautement stratégique, a mobilisé les intelligences du continent et d’ailleurs, autour d’une évidence : « ce qui ne se mesure pas, ne se gère pas ».
Observer pour mieux gérer : l’ère des satellites au service de l’eau
Les technologies spatiales, longtemps réservées aux élites scientifiques, entrent aujourd’hui dans l’arsenal africain pour la gestion durable de l’eau. Grâce à la télédétection, il est désormais possible d’obtenir, en temps quasi réel, des données précieuses sur les précipitations, l’humidité des sols, le niveau des eaux de surface et la dynamique des nappes souterraines.
Cette avancée n’est pas qu’un luxe technologique. Elle est un outil de surveillance environnementale, d’anticipation des catastrophes, et surtout, de planification stratégique pour la sécurité hydrique des peuples du Bassin du Congo.
Les tourbières du Congo, plus anciennes que celles d’Amazonie ?
Parmi les temps forts de la journée, une intervention retentissante sur le « Timing of Peat Initiation Across the Central Congo Basin » a révélé que les tourbières congolaises remontent à plus de 42 000 ans, surpassant en ancienneté celles de l’Amazonie. Véritables puits de carbone et régulateurs climatiques, ces espaces humides demeurent pourtant marginalisés dans les politiques nationales et régionales. Un paradoxe qu’il faut corriger.
D’autres contributions ont renforcé cette vision scientifique, comme :
- L’intégration des données satellites dans les modèles de surface terrestre pour mieux comprendre l’hydrologie de la cuvette centrale ;
- L’utilisation de données SWOT et Sentinel pour des prévisions hydrologiques dans le Bassin du Congo et au-delà ;
- Le recours à la modélisation hydrodynamique en temps réel pour suivre les effets du changement climatique sur le fleuve Congo.
Nucléaire, données et plaidoyer : des outils pour gouverner l’eau autrement
La journée a aussi mis en lumière l’apport de la technologie nucléaire (via les isotopes de l’environnement) pour retracer les mouvements d’eau dans le cycle hydrologique, renforçant ainsi la connaissance des aquifères souterrains.
Mais la science, seule, ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle inspire des politiques publiques ambitieuses, fondées sur des données solides. D’où ce plaidoyer pour une politique environnementale adossée à la preuve scientifique, lancé avec vigueur à la tribune du Forum.
L’eau sans gouvernance : le paradoxe du Bassin du Congo
Peut-on parler de développement durable sans gouvernance ? La réponse des experts est claire : non. À l’heure où les défis hydriques s’intensifient, le Bassin du Congo ne dispose toujours pas d’un Plan Directeur de l’Eau. Une carence structurelle, qui appelle des réformes profondes.
Les recommandations formulées par les panelistes sonnent comme un appel à la responsabilité collective :
- Élaborer un Plan Directeur de l’eau pour le Bassin du Congo ;
- Décentraliser la gestion de l’eau, en rapprochant les décisions des réalités locales ;
- Renforcer les capacités des gestionnaires et instituer une autonomie financière durable pour l’innovation ;
- Favoriser le leadership régional, avec un engagement stratégique fort ;
- Mettre en place un mécanisme juridique contraignant pour garantir la bonne gouvernance des ressources hydriques.
Vers une diplomatie hydrologique Sud-Sud
Enfin, les échanges ont insisté sur la nécessité d’une coopération intercontinentale, en établissant des passerelles entre la gestion de l’eau au Congo, en Afrique du Sud, au Sénégal, ou encore au Brésil. Car l’eau, bien commun de l’humanité, dépasse les frontières.
Ce n’est qu’en conjuguant science, technologie, gouvernance et volonté politique que le Bassin du Congo pourra devenir le laboratoire africain de la résilience hydrique. Et comme l’a si bien exprimé un paneliste : « surveiller l’eau, c’est préserver la vie ; gouverner l’eau, c’est garantir l’avenir. »
Le rendez-vous est pris pour la quatrième journée du Forum. Une journée de plus pour penser et construire un futur aquatique, durable et partagé, clôturant ainsi ce Forum du Bassin du Congo.
Par Pierre Bamwenga